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C'est à Philippe de Commines, dit-on, que l'on doit la belle tour d'Argenton, à l'angle du château du milieu du côté de la campagne, construite à ses frais, sans doute en punition de ses intrigues et comme rachat de sa dure prison.  

Le XVIe siècle arrive, et bientôt avec lui la Réforme et les querelles religieuses qui vont remuer la lie de toutes les âmes, éveiller tant de fureurs et faire couler un tel flot d'atrocités par le monde.

Plus de grands événements, mais de longues inquiétudes et quelques surprises. Au siècle des luttes religieuses, les protestants trouvèrent le moyen de surprendre le château au commencement des guerres, mais ils en furent vile chassés. Puis la guerre tourna autour de cette place si forte pendant une trentaine d'années ; une armée huguenote vint l'assiéger sans succès, les ligueurs la menacèrent, mais elle put se conserver sous l'autorité royale jusqu'à la pacification.

RICHELIEU

C'est la hautaine et sèche figure de Richelieu qui se dresse maintenant parmi les grands ombres que la pensée évoque, dans ce colossal amas de vieilles pierres recouvertes de la mousse des siècles, - non la figure du terrible cardinal, inflexible et dur reconstructeur de l'autorité royale, du ministre armé de la hache qui s'en va à travers les institutions encore fières et robustes des temps féodaux, tailler un large chemin à l'absolutisme du monarque, •- mais celle du Richelieu ambitieux et personnel, propriétaire avide de s'arrondir et jaloux de tout ce qui peut porter ombrage à son domaine de Richelieu, à la petite ville qu'il a créée autour de son berceau et fait surgir de toutes pièces, tout près de Chinon, à la place d'un mince village, sous un grand palais pompeux que les tours trop hautes du voisinage humilient et que rabaissent les splendeurs gothiques ou Renaissance aux glorieux souvenirs. Guerre aux illustrations anciennes, aux souvenirs d'autres grandes époques, il n'y a place dans la région que pour la gloire du puissant cardinal ministre ! C'est lé cardinal de Richelieu armé de la pioche du démolisseur, qui a éventré déjà pour le compte du roi tant de forteresses des grands vassaux jugées dangereuses, qui projette pour son compte particulier d'éventrer et jeter bas Chinon, de même qu'il a fait un tas de décombres des merveilles de Champigny. Ministre ou particulier, agissant pour le compte du roi ou pour son propre compte, le grand cardinal se montre en somme exactement fidèle au même double instinct, instinct de démolisseur des choses qui donnent trop d'ombre, rognant ou rabaissant les têtes trop hautes, jetant bas les forteresses féodales, et instinct d'architecte à grandes lignes implacablement symétriques, s'efforçant de reconstruire une France rectiligne à l'image de son château de Richelieu, une France en grands carrés réguliers, pompeux et froids comme les alexandrins de sa tragédie de Mirame.

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